mercredi 18 juillet 2012

La Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant



I.   La pédagogie de maîtrise (pédagogie par objectifs)

Postulat : "Dans les conditions appropriées d'enseignement, presque tous les élèves (95%) peuvent maîtriser la matière enseignée."

Idées forces :
  • la clarté des objectifs : précis et accessibles
  • le renforcement de l'effort et du travail
  • la variété des supports didactiques
  • le dépistage rapide et non sanctionné (formatif) des lacunes ou des difficultés, suivi d'une remédiation
  • une évaluation critérielle et non comparative
  • du temps pour apprendre, avec une aide appropriée : intervenants supplémentaires
  • les trois étapes d'une séquence : enseigner – évaluer – remédier
  • le noyau réside dans le feedback fourni par l'évaluation formative et dans les activités de remédiation qui en découlent.
* La pédagogie de maîtrise, d'origine américaine et par ailleurs soucieuse de "rendement",  est encore souvent victime de sentiments anti-américains sommaires qui sévissent dans l'opinion et de la connaissance non moins sommaire que l'on a de ses principes.

II.   Les corrections apportées par la PM "élargie" 

(Faculté des Sciences de l'Education de Genève)

Les héritiers de PIAGET qui ont fait une critique constructiviste des travaux américains (Projet Rapsodie) suggèrent, sans avoir pu tout à fait concrétiser, de :
  • Moins chercher à définir des actions de remédiation que de construire un contexte d'auto-apprentissage;
  • Intégrer des éléments du travail préceptoral (régulation interactive maître-élève) ;
  • Organiser l'enseignement pour obtenir une pleine utilisation du temps;
  • Susciter l'engagement des élèves;
  • Prendre en compte les rythmes pour les optimiser ?
  • Déléguer partiellement l'évaluation à l'élève : l'évaluation formatrice (d'où l'importance de bien définir les objectifs).
  • Mettre en place un processus de régulation dans une conception constructiviste de l'apprentissage.
  • Recourir à d'autres éclairages théoriques, à d'autres expériences, pour pouvoir "passer à l'acte" (Hubaerman) 
* Il est significatif que les travaux de Bloom - bien que d'inspiration behavioriste - aient donné lieu ici ou là à d'autres essais de prolongements ou d'élargissement, y compris dans le camp des constructivistes. Les travaux de l'équipe genevoise, qui relèvent d'une approche rigoureuse, ne semblent cependant pas avoir reçu l'attention qu'ils auraient méritée. 

III.   La Pédagogie de Maîtrise "à effet vicariant" 

(Circonscription de Nouméa 3 : années 1990-1996, puis circonscription "virtuelle" élargie grâce au Web)

La "Pédagogie de Maîtrise à effet vicariant" s'inscrit dans la continuité des travaux précédents. Sa dénomination a pu être critiquée, mais elle permettait de rendre compte scrupuleusement de ses origines, du croisement opéré entre les travaux de chercheurs reconnus et l'intuition fructueuse d'un psychologue non moins réputé.
La nécessité d'intégrer nouveaux apports théoriques pouvait suggérer l'exploration d'une piste ouverte par Maurice REUCHLIN, en référence probable aux travaux d'Albert BANDURA, inventeur du concept d'apprentissage vicariant.

Réhabiliter l'apprentissage vicariant,
(hypothéqué par sa parenté avec le "copiage")
et l'adapter à des fins scolaires


Initialement conçue et expérimentée en Nouvelle Calédonie dans le cadre de la "réforme des cycles" mais aujourd'hui plus largement répandue et confortée grâce à sa diffusion par Internet, cette approche reprend les postulats et caractéristiques précédemment évoqués, mais elle vise à définir un mode d'action immédiat, utilisable dans les conditions de fonctionnement actuelles de l'école, avec le souci d'apporter une réponse "intégréequi ne soit pas seulement une somme de petites modifications.

Constats et postulats

1. Postulat de l'Educabilité Cognitive
·      Constate que la qualité majeure du "bon élève" est son aptitude à savoir se situer, à savoir où il en est de ses apprentissages et de ses ignorances
·      Postule que cette aptitude peut être développée et doit devenir la priorité de l'école

2. Postulat politico - épistémologique
·  Constate que les difficultés actuelles de l'école sont apparues avec la prolongation de la scolarité obligatoire, et que l'on a incriminé alors l'impréparation du collège de façon un peu exclusive
·    Postule que la genèse du problème est plus complexe, que les difficultés actuelles de l'école et des élèves sont moins conjoncturelles que structurelles, comme si elles avaient été inscrites dès l'origine dans la conception même de l'école;

3. Postulat éthique et pédagogique
·   Constate que "éduquer" et "instruire" peuvent présenter des rapports conflictuels, qu'un souci d'évaluation légitime mais dévoyé peut faire obstacle à la communication entre élèves, y compris la communication d'apprentissage, perturbant les processus naturels d'apprentissage et générant à terme échec et violence;
·    Postule que l'on peut redresser cette anomalie en réorganisant la classe autour du concept clé d'apprentissage originel, ou vicariant, pour permettre aux "novices" des prises de repères sur les "experts", et développer par là des échanges langagiers à tendance parfois métacognitive entre les divers acteurs de la classe;
·    Constate in fine que la réhabilitation de ce mode d'apprentissage originel apporte au plan pratique une amélioration quasi instantanée et significative du fonctionnement de la classe tout en permettant à l'école, au plan théorique, d'être plus en phase avec l'apport du cognitivisme et de pouvoir ainsi aborder la réflexion pédagogique avec plus d'efficacité.

Idées forces

Une réforme ne peut réussir que si les acteurs et les utilisateurs du système y trouvent leur compte. La perspective sera donc résolument "ergonomique", centrée sur le "rendement" et le "confort" des acteurs, tant sur le poste "élève" que sur le poste "enseignant".

Permettre aux élèves de travailler selon leurs rythmes et possibilités et aux maîtres d'observer et de comprendre ce qui se passe dans les apprentissages (I.O. 1989)

Mais cela en conservant 
un regard critique sur les problèmes de rythme, 
en se gardant de sous-estimer les potentialités des élèves 
et en travaillant à les révéler.


·   favoriser la lisibilité des comportements et procédures utilisées par les experts
· privilégier les initiatives d'appropriation – apprentissage - questionnement au détriment du monitorat - enseignement impositif
·   dans le cadre d'un programme de travail strictement défini et imposé, laisser l'élève choisir le moment d'aborder sa tâche pour l'inciter à l'analyser, le placer quotidiennement, dans un contexte sécurisé, en situation d'entraînement à l'analyse
·       lui fournir quotidiennement des indices lui permettant de réactiver ce travail d'analyse, en considérant que l'aptitude à l'auto-évaluation est la caractéristique essentielle du "bon élève"
·       créer un besoin d'écoute, de questionnement, d'échanges
·  insérer la classe dans un contexte d'ordre négociable favorisant le raisonnement hypothético-déductif
·  importance du travail écrit s'alimentant des échanges verbaux quotidiens pour les alimenter à son tour

Remarque : les apports de Freinet

Si le fonctionnement de la classe "PMEV" rappelle à certains égards celui de la pédagogie Freinet, il s'en distingue cependant sur certains points, modifiant ou renforçant quelques unes de ses caractéristiques les plus courantes pour concrétiser ses propres idées forces.

·      le respect de la personne de l'enfant, de son vécu, de sa parole, en prenant en compte les exigences de l'environnement actuel;
·   le respect des principes d'entraide et de coopération, mis au service de l'effort et du développement personnel;
·      la mise en place d'un lieu de parole, d'écoute et d'échanges, mais avec une fréquence sensiblement accrue car centré plus systématiquement sur la gestion des apprentissages(bilan) plutôt que sur la vie de la classe (les problèmes justifiant un débat sur la vie de la classe étant souvent générés par les tensions résultant des difficultés d'apprentissage).
·    redonner du sens aux apprentissages et laisser beaucoup de temps au travail personnel et soutenu;
·   organiser son travail à l'aide d'un plan et le gérer, mais sur la base du programme commun de la classe : pas de plan individualisé, sauf exception, mais une progression individualisée et étayée ;
·      l'entraînement quotidien à l'écriture, mais sans recours systématique à la publication, dans une perspective de reconnaissance et de gratification immédiate;
·    la possibilité de choisir son travail, ou plutôt de choisir le moment de l'effectuer, car il est nécessaire d'apprendre à analyser pour pouvoir choisir et devenir capable d'auto-évaluation;
·      le plan de travail, non négociable à l'origine mais portant sur une durée plus longue pour améliorer les possibilités d'étayage et de travail personnel (3 semaines en moyenne).

* L'appellation de PMEV, souvent mise en cause pour éluder les débats de fond, répond au besoin élémentaire de se situer avec précision dans le maquis des courants pédagogiques. Elle s'imposait par le croisement des deux apports qui ont permis son apparition : le courant "mastery learning" (PM) et le courant "vicariance" (EV).

* La dimension "ergonomique" de la PMEV n'est pas étrangère à son succès, mais la définition extensive du terme "ergonomie", qui fait notamment référence aux idées de "confort" et de "rendement",  peut elle aussi prêter à des critiques faciles.

* Le modèle des "processus vicariants" (M. REUCHLIN), qui n'est pas directement  en cause dans la genèse de la PMEV, peut conduire à une certaine mise en cause des idées reçues sur la différenciation  pédagogique .


Source : pmev.lagoon.nc


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